Données, Réseaux et Langage de la Loi

 

Résumé

Le projet « Données, Réseaux et Langage de la Loi » vise à mettre en relation des recherches menées en sciences des réseaux à l’IXXI avec une des expériences d’informatique parlementaire les plus avancées en France. Son objectif est d’encourager la collaboration entre chercheurs en sciences politiques et experts des données numériques, analyse des réseaux et traitement automatique du langage.

Le projet présenté dans ces pages s’appuie sur le programme de recherche « La Fabrique de la Loi », développé depuis quelques années par l’association Regards Citoyens ( www.regardscitoyens.org ) en collaboration avec deux laboratoires de Sciences Po Paris, le CEE ( www.sciencespo.fr/centre-etudes-europeennes/ ) et le médialab ( www.medialab.sciences-po.fr ). Le projet « Données, Réseaux et Langage de la Loi » vise à encourager la collaboration entre ce programme et les recherches menées dans la Région Rhône-Alpes. Appliquées aux données parlementaires, les compétences en traitement des données massives, analyse des réseaux dynamiques et textométrie développées par ces chercheurs pourraient renouveler l’étude des activités législatives.

Le programme « La Fabrique de la Loi » a permis le lancement en juin 2014 du site www.lafabriquedelaloi.fr présentant l’évolution de près de 300 textes dans les deux chambres du Parlement Français. Malgré son succès, cette plateforme rencontre trois limites typiques non seulement de l’informatique parlementaire mais aussi de beaucoup des sciences sociales numériques :

  1. Le manque d’une chaîne de traitement des données suffisamment robuste pour permettre l’ajout automatique des nouveaux cas (les nouvelles lois discutées au Parlement) et l’analyse en continu de l’élaboration législative (en offrant ainsi un exemple d’analyse “en temps réel” des phénomènes sociaux)
  2. Le manque d’une analyse couplée de la dynamique textuelle (l’évolution des textes de loi) et de la dynamique relationnelle (le réseau des collaborations entre les membres du Parlement), qui permettrait l’investigation parallèle des interactions sociales et de leurs conséquences structurelles.
  3. Le manque d’analyse fine du langage permettant une catégorisation semi-automatique des amendements et par conséquent du travail mené par les membres du Parlement (collaboration VS opposition, modifications substantielles VS superficielles, innovation VS restauration, etc.)

Ces trois limites sont l’objet de ce projet de recherche qui vise à les définir d’un manière plus précise et à poser les briques nécessaires à leur dépassement.

 

Description

Le projet « Données, Réseaux et Langage de la Loi » prend comme point de départ et principal cas d’étude la plateforme numérique « La Fabrique de la Loi ». Au-delà de cet objet spécifique, toutefois, l’objectif du projet est d’ouvrir un dialogue entre les legislative studies et les recherches menées dans le contexte lyonnais sur le traitement des données massives, l’analyse des réseaux dynamiques et la textométrie. Les avancées de ces trois disciplines pourraient grandement contribuer à l’étude des activités parlementaires et à l’amélioration du site www.lafabriquedelaloi.fr.

Le site permet déjà de suivre chaque étape de la procédure législative pour près de 300 projets de loi, d’observer le degré de modification des articles via un code couleur ou encore d’explorer les discours attribués à tel article ou à tel élu. Sont ainsi offerts différentes formes d’aperçus des transformations des textes de loi par le parlement ignorées par l’approche statistique classique. Il y a donc matière à développer, grâce au traitement numérique d’un nombre massif de données publiques, des instruments inédits d’évaluation de l’impact du Parlement.

a.     b.

c.     d.

Figure 1. quatre interfaces de la plateforme www.lafabriquedelaloi.fr

Financée initialement grâce à un appel à projets ‘PICRI’ (Partenariats institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation) de la Région Ile de France, « La Fabrique de la Loi » est aujourd’hui soutenu par le Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP – http://www.sciencespo.fr/liepp). Cette nouvelle relance vise à améliorer la plateforme du programme en trois directions qui correspondent étroitement aux recherches menées par les institutions partenaires de l’IXXI.

Le projet  « Données, Réseaux et Langage de la Loi » vise donc à supporter le travail d’amélioration de la plateforme, mais surtout à profiter de cette occasion pour faire avancer la réflexion sur trois difficultés typiques de l’informatique parlementaire, mais aussi de beaucoup des sciences sociales numériques:

  1. Le manque d’une chaîne de traitement des données suffisamment robuste pour permettre l’ajout automatique des nouveaux cas (les nouvelles lois discutées au Parlement) et l’analyse en continu de l’élaboration législative (en offrant ainsi un exemple d’analyse “en temps réel” des phénomènes sociaux).
  2. Le manque d’une analyse couplée de la dynamique textuelle (l’évolution des textes de loi) et de la dynamique relationnelle (le réseau des collaborations entre les membres du Parlement), qui permettrait l’investigation parallèle des interactions sociales et de leurs conséquences structurelles.
  3. Le manque d’analyse sémantique fine permettant une catégorisation semi-automatique des amendements et par conséquent du travail mené par les membres du Parlement (collaboration VS opposition, modifications substantielles VS superficielles, innovation VS restauration etc…)

Dans le cas spécifique du site www.lafabriquedelaloi.fr, ces trois limites générales prennent une forme spécifique qui permet de les saisir plus précisément :

  1. Faciliter la mise à jour de la plateforme demande une refonte du code de récupération, d’extraction, de préparation, de traitement et d’analyse des informations publiées par les deux chambres parlementaires. Du point de vue de l’utilité sociale de cet instrument, tant auprès des journalistes que des parlementaires ou citoyens, la mise à disposition des textes adoptés depuis 2014 et des textes en cours s’impose.
  2. Coupler l’analyse de l’évolution des textes de loi avec l’exploration des réseaux des co-signatures des membres du Parlement sur les propositions de lois et les amendements. Les études législatives s’intéressent aux relations qui s’incarnent dans ces co-signatures pour ce qu’elles révèlent des coopérations inter-personnelles et trans-partisanes,  qui offrent une vision de l’arène publique plus riche que les statistiques parlementaires classiques, et moins contrainte par la discipline imposée par les partis politiques que les scrutins ou les interventions en séance plénière.

Figure 2. L’un des réseaux déjà collectés et disponible sur le site personnel d’un des chercheurs du projet (http://f.briatte.org/parlviz/parlement/)

  1. Enrichir la plateforme en y ajoutant une analyse centrée sur la typologie des amendements. Analyser les contenus des amendements (motifs et propositions de modifications) est une étape essentielle pour arriver à décrire le rôle du travail parlementaire sur la législation. Rentrer dans ces contenus implique de construire une typologie linguistique des amendements permettant de soutenir un travail d’évaluation de leur impact. L’enjeu consiste ainsi à distinguer qualitativement différents types d’amendements. Par exemple, ceux relevant de l’obstruction, de l’amélioration syntaxique, de la modification limitée sur le fond, ou de la modification radicale, ou encore ceux hors-sujet.

En résumé et au delà, ce projet propose de réfléchir à des questions anciennes – le travail du Parlement sur la loi – au moyen d’instruments nouveaux – le numérique – fort d’une expérience en la matière, mais aussi d’une démarche réflexive sur l’apport du numérique pour les sciences sociales, et d’une volonté de traiter automatiquement et intelligemment la masse des amendements parlementaires. Il vise à entamer une collaboration qui pourrait, d’un côté, offrir un remarquable cas d’application pour la recherche de l’IXXI et, de l’autre, contribuer à l’avancement des recherches de l’informatique parlementaire et des sciences sociales numériques.

-->